A l’Est du Cameroun, réfugiés et camerounais cultivent l’avenir de leurs enfants… dans les champs de maïs.
« Grâce aux recettes que nous avons tirées du maïs et des arachides, nous avons pu acheter des fournitures scolaires au début de l’année »
« J’ai 10 enfants. Avant, je n’avais pas les moyens de les envoyer tous à l’école en même temps. Parfois, il y en avait trois à l’école, d’autre fois quatre, et les autres restaient à la maison. Mais cette année, j’ai pu les envoyer tous les dix en classe », explique Souley Hamidou, satisfait, au milieu de son champ de maïs.
Dans ce village de Mandjou, dans la région Est du Cameroun, ses champs sont divisés en deux parcelles avec d’un côté le maïs et de l’autre des plants de manioc bien verts, le tout réparti sur 16 hectares qu’il partage avec neuf autres ménages. Pour ce réfugié centrafricain venu chercher la sécurité au Cameroun, cette parcelle représente plus qu’un revenu : il garantit l’avenir de ses enfants, qui était jusqu’alors bien incertain.
Parmi les amis avec qui il partage le terrain -qui a produit notamment 23 tonnes de maïs cette année- la moitié sont réfugiés comme lui, et l’autre sont camerounais : tous ont bénéficié de la générosité de la population qui a mis les terres à disposition, accompagnés par le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés et la Fédération Luthérienne Mondiale (LWF).
« Avant, on avait du mal à joindre les deux bouts -explique Hamidou- mais tous les réfugiés qui ont eu des problèmes pour payer leurs loyers ont pu honorer leurs dettes sans difficultés cette année grâce à cette ferme »
A une heure de là, dans le village de Guiwa, une autre petite coopérative jouit d’un terrain similaire, offert par un habitant de la région : « J’ai vu qu’ils étaient dans le besoin, et j’avais cette terre alors j’ai décidé de la leur donner. C’était la chose la plus naturelle à faire », explique l’air de rien Marcel Abo, le sous-chef du village. Grâce à sa générosité, 50 personnes dont 40 réfugiés ont retrouvé une activité. Et lorsqu’on leur demande ce que la terre leur apporte, la réponse est toujours la même : « grâce aux recettes que nous avons tirées du maïs et des arachides, nous avons pu acheter des fournitures scolaires au début de l’année », se réjouit Josias, l’un des bénéficiaires.
A Mandjou comme à Guiwa, réfugiés et camerounais ont trouvé un intérêt commun à travailler ensemble la terre : gagner leur autonomie et se sevrer de l’assistance humanitaire : « Au Cameroun, nous encourageons la participation des réfugiés à des activités, notamment agricoles, qui génèrent des revenus », explique Solange Bindang, en charge des moyens de subsistance au HCR.
« Nous menons un plaidoyer pour l’inclusion des réfugiés dans toutes sortes de projets favorisant la croissance des petites entreprises, la formation professionnelle et le développement de compétences afin de rendre les réfugiés plus compétitifs sur le marché de l’emploi. Nous faisons cela pour les réfugiés, mais également pour les populations d’accueil avec l’objectif de les inclure dans la vie économique et de les aider à répondre à leurs besoins par eux même, de façon digne et durable, tout en contribuant à l’économie locale ».
Le HCR, grâce aux seuls programmes menés avec LWF, a pu atteindre près de 3000 bénéficiaires en 2020, permettant aux habitants de Guiwa et Mandjou de subvenir à leurs besoins. Aujourd’hui, les regards sont tournés vers l’avenir : s’il faudra encore investir pour pérenniser ce type de projets, notamment dans l’achat de tricycles motos permettant le transport des récoltes depuis la ferme vers le marché, les perspectives sont aussi vastes que les terres qui ne demandent qu’à être cultivées.
Par Helen Ada Ngoh