Le Cameroun teste des méthodes alternatives de lutte intégrée contre la Chenille légionnaire d’automne
Cette initiative a pour but de réduire les pertes de production dues à la CLA de 5 à 10% et de prévenir son expansion dans les zones non encore envahies.
La Chenille légionnaire d’automne (CLA) est un insecte ravageur qui attaque plus de 80 espèces de plantes, causant des dégâts d’importance économique considérables sur les cultures, notamment les céréales. Présent en Afrique depuis 2016, ce ravageur menace particulièrement le maïs, le sorgho et le riz, ainsi que les cultures maraîchères et le coton. Les dégâts résultant des invasions de la CLA représentent une réelle menace pour l’agriculture et de ce fait, pour la sécurité alimentaire des populations.
Afin d’y remédier, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a lancé en décembre 2019, l'Action mondiale pour la lutte contre la chenille légionnaire d'automne en tant que réponse urgente à la propagation rapide de ce nuisible. Cette initiative a pour but de réduire les pertes de production dues à la CLA de 5 à 10% et de prévenir son expansion dans les zones non encore envahies. C’est dans ce cadre qu’au Cameroun, la FAO a signé quatre lettres d’accord dont celle avec l’Université de Douala, pour la conduite d’un essai visant à développer de nouvelles techniques de lutte contre la CLA.
Tester des alternatives naturelles pour éliminer la CLA
Sept technologies de gestion intégrée de la CLA sont donc en cours d’expérimentation à l’Université de Douala. Il s’agit de tester des extraits de plantes locales disponibles dans l'environnement, à la recherche de solutions contre la CLA. Pour le Pr Maurice Tindo, Entomologiste et point focal du projet à l’Université de Douala, il est question de chercher des méthodes de riposte alternatives à la lutte chimique, cette dernière ayant beaucoup d’effets négatifs sur l’environnement, mais aussi sur les producteurs.
Pour ce premier essai, quatre extraits de plantes sont testés à savoir : Vernonia amygdalina communément appelé « ndolé » ; Tithonia diversifolia ou « fleur jalousie » ; Capsicum frutescens connu sous le nom de « piment d’oiseau » et Chromolaena odorata localement appelé « Bokassa/Kondengui ». Ces extraits de plantes sont appliqués sur des plants de maïs attaqués, afin d’en tester les effets sur la CLA.
« Nous pensons également que certains insectes dans les champs ont la capacité de manger les CLA » confie le Pr Tindo. « C’est la raison pour laquelle nous utilisons les extraits de tiges de canne à sucre pour les attirer et les mettre à contribution », poursuit-il.
En mission dans la ville de Douala le 24 octobre 2022, l’équipe constituée de la FAO Cameroun et du Ministère de l’agriculture et du développement rural (MINADER) a également pu observer l’élevage de chenilles légionnaires d’automne (CLA) installé dans le laboratoire de la faculté des sciences de l’université éponyme. Le développement de cet élevage permet de tester les effets des extraits de plantes sur la CLA au laboratoire, avant l’application en champ sur les plants de maïs.
Réduire les déficits de productions agricoles, notamment céréalières
Au Cameroun, l’agriculture est l’une des principales activités économiques. En 2021, elle représente 17,2 % du PIB, en baisse si l’on tient compte des 33,7% de 1977 et 26,6% de 1992[1]. Dans la région de l’Extrême-Nord, la campagne agricole 2021 a été marquée par un déficit céréalier de 74.560 tonnes, contre seulement 15.560 tonnes en 2020. Au nombre des facteurs responsables de ce déclin, l’on note en bonne place, les ravages de la CLA. « Ces ravages sont tels que plusieurs producteurs sont poussés au découragement et choisissent d’abandonner leurs champs », témoigne Florence Magni Eben, Chargée du suivi de l’action mondiale contre la CLA à la FAO Cameroun.
La FAO travaille avec le gouvernement du Cameroun pour formuler des recommandations à l’échelle nationale à l’attention des agriculteurs, y compris sur des pesticides efficaces mais avec peu de risques pour la santé humaine et l’environnement. « L’usage de ces plantes a ceci d’avantageux qu’elles sont disponibles dans toutes les zones agro écologiques du Cameroun. Les résultats concrets et pratiques des tests permettront éventuellement de procéder à une pré vulgarisation et à terme, la vulgarisation de ces pratiques auprès des producteurs, afin qu’ils puissent de manière autonome gérer la CLA avec les différentes méthodes locales » déclare Colince Nguelo, Sous-directeur des interventions phytosanitaires au Minader. « Ce projet donnera au MINADER, les outils pour pouvoir participer de manière efficiente et efficace à la lutte contre la CLA sur le maïs et d’autres cultures maraichères », conclut-il.
La FAO apporte actuellement son soutien à la conception et à la mise en œuvre d’un programme de lutte intégrée durable en faveur des petits agriculteurs en Afrique. A l’issue des expérimentations en cours, les meilleures recommandations seront communiquées et partagées avec les agriculteurs, les associations d’agriculteurs et les gouvernements à travers le continent.