Les Comités de Santé (COSA) : un levier pour prévenir et atténuer les sources potentielles de conflits ou de tensions sociales et contribuer à une paix durable dans les communautés de l’Extrême-Nord du Cameroun.
Le projet « La Santé au service de la paix » financé par le PBF et conçu par OMS et OIM, a permis aux COSA de jouer le rôle de contributeur à la préservation et
Meri : Ville apparemment calme n’ayant pas connu les exactions de Boko Haram, a été choisie en juin 2020 pour abriter le centre de transit des ex-combattants auto-rendus dans le cadre du processus Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR). Peu de temps après leur installation, ces derniers furent accusés de plusieurs exactions dont les viols de femmes et de jeunes-filles dans les champs, des vols des fruits des champs, etc. mettant ainsi en mal la cohésion sociale et la stabilité dans la communauté de Meri. « Avant, quand on parlait des ex-combattants, la communauté avait peur d’eux » déclare Hamadou SAIDI, président du COSADI. À la suite de ces accusations, il s’est installé un climat de tension entre la communauté d’accueil et les ex-associés /ex-combattants se traduisant par :
- Une crise de confiance entre les communautés d’accueil et les ex-combattants dans les camps ou en communauté ;
- La méfiance des communautés d’accueil à l’égard des ex-combattants qu’elles considèrent comme acteurs majeurs des exactions, ayant non seulement causées des pertes en vies humaines mais aussi, aggravées leurs conditions socio-économiques qui étaient déjà précaires.
Afin d’identifier quelle(s) solution(s) apportée(s) à ces communautés, une évaluation des besoins en santé mentale conduite par le Consortium (OMS-OIM) et ciblant les ex-associés/ex-combattants et les communautés d’accueil a mis en évidence un certain nombre de facteurs de stress sur le double plan psychologique et socio-économique.
Sur le plan psychologique, l’étude a révélé au niveau des communautés d’accueil, un sentiment permanent d’insécurité, de peur, d’angoisse et d’anxiété tandis qu’au niveau des ex-combattants, la méfiance, la stigmatisation et l’exclusion des communautés, perçues ou ressenties, affectaient leur santé mentale et créaient un stress psychologique énorme se traduisant par le stress aigu, la dépression, l’état de stress post traumatique, l’usage des substances psychoactives, les épilepsies /convulsions, le suicide, etc.
Sur le plan socio- économique, ces états sus-évoqués, perçus ou ressentis par les ex-combattants ont créé en eux, un sentiment de difficultés d’insertion, d’accès à l’éducation pour leurs enfants, d’accès aux soins de santé, aux moyens de subsistance et conséquemment, un sentiment pessimiste sur l’avenir.
Grâce au projet, « La Santé au service de la paix » conçu autour de l’Initiative Mondiale de Santé pour la paix, financé par les Fonds des Nations Unies Pour la Consolidation de la paix (PBF), les comités de santé (COSA) des aires de santé bénéficiaires de l’initiative ont été formé sur l’approche Santé pour la paix afin de les emmener à comprendre et à jouer leur rôle de contributeur à la préservation et la promotion de la paix, en tant que principal facteur favorisant l’instauration de la santé. Ils ont réussi à mettre en œuvre des actions de promotion de la santé à travers le dialogue social inclusif conçu de manière à mieux contribuer à l’atténuation des causes de tensions suscités, potentielles sources de conflits, et aussi, à contribuer à l’atteinte des résultats de cohésion sociale et de réduction de l'exclusion.
Dans l’aire de santé de Meri, de juillet au 14 avril 2023, un total de 3306 personnes dont 53% (1,752) de femmes et jeunes-filles ; 628 ex-combattants et déplacés internes ont participé aux activités de dialogue communautaire inclusif sur les griefs et les priorités communes en matière de santé, de sensibilisation ou des réunions de plaidoyer autour des thématiques sur la santé et la cohésion sociale.
Dans cette logique, lors de la célébration de la journée internationale de la femme le 08 mars 2023, les femmes ex-associées et les femmes des communautés d’accueil par le biais des COSA, ont menées conjointement des activités socio-récréatives telles que les concours de danse, les sketchs, les poèmes et le défilé.
Ces différentes activités et bien d’autres réalisées dans le cadre des cliniques mobiles, apportent une plus-value importante sur la santé mentale. En outre, elles permettent de rétablir la confiance et de renforcer la cohésion entre ex-associés et la communauté d’accueil tels que nous le montrent ces quelques témoignages sélectionnés parmi tant d’autres.
« J’étais parmi ceux qui étaient vraiment farouches à l’accueil ici, des gens du CNDDR. Mais dès leur la première visite, j’ai la vidéo avec Equinoxe[1] si vous avez vu, c’est moi qui parlais à Equinoxe pour dire non à leur installation dans la communauté de Meri. Mais la première fois que j’ai eu accès à ce centre, avec OIM, je suis sorti avec les larmes aux yeux. Je me suis rendu compte que j’étais coupable de quelque chose, parce qu’en réalité ce n’était pas ce que j’avais compris. A travers cette découverte, j’étais le premier à sensibiliser la population. En commençant par moi ; s’il y a quelque chose qui reste, … que de jeter ça, c’est mieux de venir en aide à nos frères » déclare AHMED ZIREM membre de la communauté d’accueil, abritant le centre DDR de Meri.
« Pour nous membres des COSA, avant on croyait que les affaires de la paix étaient réservées aux militaires et policiers. Mais avec la formation que OMS-OIM nous a donnée la fois passée à Mokolo, nous avons compris que la paix à travers la santé était aussi notre affaire. On a même déjà commencé à sensibiliser les gens sur la cohésion sociale. Actuellement il y a un petit changement déjà. » dit M. Bouba YOUDOUBAY, président du COSA de Zamaï, l’une des 15 aires de santé du projet.
« Nous avons bénéficié des membres de COSA, des soutiens multiformes lorsqu’ils effectuent les de visites à domiciles (VAD)... Ils nous ont sensibilisé sur l’importance de fréquenter les centres de santé en cas de soucis de santé, etc… Ils nous ont appris beaucoup de choses sur les dangers des accouchements à domicile. Et certaines maladies liées aux mauvaises habitudes telles que la peur et le rejet des vaccins ont considérablement diminués. De plus, ils sensibilisent les déplacées à intégrer les groupes dans les communautés. Pendant les réunions, ils nous forment à comment s’autonomiser. » Fanta PATAYE (membre du groupe Ngozi Wada’a-Gouzda Wayam).
Toutes ces activités menées par les 15 COSA dans différentes communautés bénéficiaires et en particulier Meri, ont contribué à des résultats de cohésion sociale et de réduction de l'exclusion comme nous le témoigne le récit ci-dessous :
« Travailler avec l’OMS et l’OIM a beaucoup amélioré la cohésion sociale. J’ai pris pour exemple, le match de football organisé entre ceux du centre DDR et la communauté. Je crois qu’à partir de ce moment, la connaissance des uns et des autres s’est considérablement augmentée parce qu’au quartier, les jeunes de la communauté appellent ceux du Centre par leur nom et vice-versa. Les gens du Centre fréquentent la communauté sans difficulté et un exemple c’est qu’un membre du CDDR a épousé une fille de la communauté de Meri preuve qu’il y a déjà un brassage. » AHMED ZIREM, membre du COSA de Meri